Par Frédéric Messent
Il aura fallu voir l’arrivée de Take 6 dans la seconde moitié des années 80 pour assister à la réhabilitation progressive du doo wop. Le sextet a profité de la sortie de son quatrième album, Join The Band, pour faire le point sur sa carrière …
Il est vrai que ce nouvel opus ne manquera pas de surprendre les fans du groupe et en particulier du fait de son concept qui fait appel à une instrumentation conséquente rompant avec le format essentiellement a cappella des précédents. Stevie Wonder, Ray Charles et une surprenante Queen Latifah font partie des invités, tandis que Vincent Herbert, David Foster et Brian McKnight (frère de Claude, l’un des membres du groupe) sont venus apporter leur renfort à la production d’un set majoritairement tourné vers le R&B.
Nous ne nous considérons pas comme faisant partie prenante d’une mouvance plutôt qu’une autre. Nous sommes avant tout empreints de spiritualité et tous nos textes sont relatifs à la puissance divine et l’amour de Dieu. Ils constituent notre mode d »expression originel. La musique ne vaut que comme accompagnement. Nous sommes un groupe de gospel à part entière, depuis que nous sommes passés de quatre à six. Nous nous situons quelque part entre Boyz II Men, formation de doo wop du fait des textes à majorité profanes qu’ils véhiculent et Sounds Of Blackness, collectif par essence religieux. »
L’environnement musical, fut-il considéré comme un simple accompagnement de la part du groupe n’en a pas moins radicalement changé avec l’arrivée de ce nouvel album. Un étal de fait pas toujours facile à négocier vis-à-vis du public…
« Nous nous situons quelque part entre Boyz II Men, formation de doo wop du fait des textes à majorité profanes qu’ils véhiculent et Sounds Of Blackness, collectif par essence religieux. »
« Nous aimons toutes formes de musique. Leur choix est une question d’état d’esprit du moment. C’est vrai que nous avons radicalement changé en passant de la country et du rock à un concept assimilable sur le plan rythmique à du R&B, mais ceci est le fruit d‘une évolution. Il nous a fallu plus de deux ans pour concevoir ce nouvel album. On a effectivement commencé a y penser seulement fin 1992. Nous nous sommes aperçus, avec le recul, que nous étions trop collés à ce que nous faisions auparavant : ce qui nous empêchait d‘être créatifs sur le moment. Heureusement. on n‘a pas eu à subir la moindre pression de la part du label. Cela nous a libérés. On a écrit une centaine de chansons en moins d’un an. Et nous nous sommes rendus compte qu’elles étaient nettement dans le trip R&B. Nous sommes alors retournés voir les executive de Warner (Jim Edd qui nous a signés et Benny Medina) pour leur faire part de notre décision d’incorporer plus d’instruments tout en gardant l’essence même de nos harmonies vocales. Ce changement nous a donné une motivation nouvelle.
Il en résulte ce regain d’énergie que l’on retrouve dans le répertoire du sextet, du swinguant « Can’t Keep Goin’ on » à « My Friend », starring Ray Charles, en passant par « Harmonies » avec Queen Latifah et « Badiyah » – réadaptation du célèbre « Brazilian Rhyme » d’Earth wind & Fire qui figure sur l’album All’n’AII. Mais tout cela en prenant bien soin de conserver cette spiritualité. Une spiritualité qui détonne par rapport aux textes incisifs et hyper-réalistes auxquels les gangsta rappeurs doivent leur succès actuel.
« La société américaine en est à un point où tout le monde a peur de tout le monde et nous devons faire très attention à la teneur de nos messages ainsi qu’à leur formulation pour ne pas rajouter à la confusion qui règne autour de nous. »
« Nous faisons ce que nous faisons pour l’amour de Dieu. Le gangsta-rap est l’expression d’une communauté. Les Gangsta rappeurs parlent de ce à quoi ils sont confrontés, et Il est important que le public le sache. C’est en abordant tel ou tel sujet que l’on parvient à en trouver un début de compréhension et souvent, à terme, une réponse. Nous faisons les louanges de la parole de Dieu, pour notre part, parce que c’est ce que nous connaissons le mieux ; c’est ce qui nous anime. Certains G rappeurs ont une démarche similaire à la nôtre, mais avec les attitudes et les mots qui sont de leur propre environnement. Nous pourrions dire la même chose a propos de ceux qui se réclament de la Nation Of Islam et qui s’attachent à transmettre leur positivisme notamment dans les milieux carcéraux. Mais encore une fois, il convient de rappeler que la vérité est relative à tout un chacun en fonction du milieu dans lequel il évolue. L’important, c’est de s’exprimer à propos de ce que l’on connait ; de le faire en toute conscience et ne pas s’imaginer que l’on est seul à détenir soi-même la vérité. Nous offrons pour notre part ce que nous avons à offrir et laissons le libre choix à tout un chacun…
La société américaine en est à un point où tout le monde a peur de tout le monde et nous devons faire très attention à la teneur de nos messages ainsi qu’à leur formulation pour ne pas rajouter à la confusion qui règne autour de nous. Nous propageons des messages d’amour de Dieu à l’attention de nos prochains. Libre à eux de les recevoir. Pour l’heure. il ne vous reste plus qu’à suivre notre invitation: Join The Band…
Take 6, Join The Band (Reprise/WEA)
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