Par Leonard Silva
Il est à l’évidence des rencontres qui marquent. C’est le cas de celle de l’Antillais Mino Cinelu et de l’Américain Kenny Barron, deux hommes aux curriculum impressionnants.
Mino, percussionniste, et multi-instrumentiste, écrit depuis les années 70 des pages de la scène jazz française. En ces temps-là, on employait le terme d' »ethnic jazz » pour désigner les infidélités du jazz. Mais au delà des étiquettes, Mino éprouve le besoin d’autres espaces. Ce sera New York — où il réside depuis dix huit ans —, qui lui ouvrira les portes d’une carrière prestigieuse où il jouera tour à tour du jazz, de la pop, du rock, du funk, du jazz fusion (communément appelé jazz-rock) auxquelles il apporte la richesse de ses racines antillaises. De Miles Davis à Sting en passant par Weather Report, Mino a façonné la technique, la fraîcheur, l’énergie de son style de percussion.
Son dernier duo, Swamp Sally, avec le pianiste Kenny Barron (ex-sideman de Dizzy Gillespie, Stan Getz…) nous fournit l’occasion de plonger dans les sonorités et textures du « Deep South » et d’arpenter les routes du cool-bop, du free, du groove et du beat latino via la biguine.
« Je me suis demandé si le fait d’avoir été interdits de jouer du tambour pendant l’esclavage, n’avait pas découragé l’intérêt des Noirs-Américains pour les percussions. »
A l’image de ce que je viens de faire avec Kenny, toute ma perspective musicale est basée sur un concept d’ouverture », confie Mino. « C’est d’ailleurs ce qui nous rapproche en tant que musiciens et individus », rajoute Barron, pour qui « La maîtrise des percussions de Mino Cinelu ouvre l’espace nécessaire à sa créativité progressive et à une liberté instrumentale qui met en confiance, à la fois sur le plan du rythme et des harmonies ».
« Cela vient du fait, poursuit Mino, que depuis toujours, j’ai cherché à développer ma palette rythmique en allant au-delà de mes racines afro-caribéennes. Je me suis toujours intéressé à d’autres musiques qui, dans la plupart, étaient des cousines ou des prolongements du jazz. A cette époque, on ne parlait pas encore de world music. Par la suite, ces rencontres ont facilité mon intégration dans le milieu jazz et la scène fusion aux Etats-Unis. J’ai remarqué qu’il n’y existait pas de grands percussionnistes, à l’inverse de l’Afrique, des Caraïbes ou de l’Asie. Je me suis demandé si le fait d’avoir été interdits de jouer du tambour pendant l’esclavage, n’avait pas découragé l’intérêt des Noirs-Américains pour les percussions. Mais aujourd’hui, le contexte est différent. Il est rare de voir un groupe américain sans le djembé ou le talking-drum. C’est devenu une réalité… »
Mino Cinelu/Kenny Barron Swamp Sally (Verve)
Mino Cinelu participera aux côtés de Manu Katché et de musiciens africains au projet « Paris-Ouaga-Carthage ». Parrainé par RFI.