Par Leonard Silva
Sept albums depuis ses début en 1996, Madeleine Peyroux, adepte de Bessie Smith et de Billie Holiday, a joué dans les rues du Quartier latin, et bourlingué à travers l’Europe, avant son retour aux States, pour nous offrir Dreamland. Rencontre d’une sensation à l’occasion de ce premier album.
Au delà de ses racines historiques et sociologiques, le blues n’a jamais cessé de se conjuguer au pluriel. Et celui de Madeleine Peyroux, mâtiné de jazz, gospel et country est une preuve supplémentaire. Le blues sort là de la case où quelques uns ont bien essayé de l’enfermer. Il s’est aussi disséminé au-delà de ses frontières traditionnelles du Deep South (Mississippi, Alabama, Louisiane, Georgie) ou de la Windy City (Chicago) pour s’exiler à New York d’où nous vient Madeleine Peyroux. La muse d’une sorte de « Travelling blues » à la sauce jazzy, qui flirte avec le gospel, la country et la chanson, est l’exemple typique d’une scène blues très peu connue qui trouve son prolongement en Europe.
« Le blues, au même titre que le jazz, déclare Madeleine, est une musique qui trouve sa faveur auprès du public européen ; cela est certainement du à la tradition d’ouverture culturelle qui subsiste dans le vieux continent. Cela ne m’étonne pas vraiment parce que le sentiment de souffrance n’est pas l’apanage de telle ou telle catégorie d’individus ni de communautés. la souffrance est une valeur universelle… D’ailleurs, on m’a une fois demandé si pour chanter le blues il était nécessaire d’avoir eu une vie difficile. Je pense qu’au-delà des clichés accolés au blues, ce dernier est avant tout un vecteur de communication à d’autres nos sentiments personnels. Le blues doit être le fruit d’une expérience personne/le. En ce qui me concerne, lorsque je chante le blues, j’es saie d’être le plus honnête possible avec moi-même.
« La raison pour laquelle je chante le blues n’a rien à voir avec le fait d’être ou non américaine. Il s’agit pour moi de communiquer un message très personnel, un message d’espoir… au plus profond de moi-même, le blues est l’expression avec laquelle je me sens le plus en symbiose. »
Née à Athens (Brooklyn), Madeleine a vécu à Paris où elle a joué dans les rues du Quartier latin, avant de retourner aux Etats Unis. Influencée par Bessie Smith et Billie Holiday, elle est recrutée à seize ans par le Lost Wanderind Blues & Jazz Band, des bohémiens qui ont tourné à travers l’Europe en interprétant le répertoire des années 30 (Fats Waller, Billie Holiday, Ella Fitzgerald…). Cette école de la rue et de la route et l’écoute d’autres musiques ont contribué à forger la personnalité vocale de la jeune chanteuse, guitariste et compositrice dont le premier album, Dreamland, mêle sensualité et émotion. Avec son blues-bop en forme de clin d’œil à cette fin de siècle dans un « monde toujours divisé », dixit Peyroux, Madeleine nous rappelle qu’en dépit des vicissitudes de l’histoire, le blues comme d’autres formes d’art, recèle la beauté de l’espoir.
« La raison pour laquelle je chante le blues n’a rien à voir avec le fait d’être ou non américaine. Il s’agit pour moi de communiquer un message très personnel, un message d’espoir… Et même si je ne veux pas me cantonner à une seule forme d’art car je m’intéresse à d’autres disciplines, au plus profond de moi-même, le blues est l’expression avec laquelle je me sens le plus en symbiose. Il me permet de raconter une histoire, parce qu’au delà de ses préoccupations politiques et autres, l’art doit avant tout véhiculer une histoire. C’est ce que j’essaie de faire… Et cela, malgré mon nouveau statut de « recording artist » car j’ai compris lors de l’enregistrement de Dreamland que j’étais dans une autre situation. Quand je chantais dans la rue, il y avait une interaction immédiate entre les gens et moi, je veux dire par là que dans la rue, tu vis une expérience réelle, à l’opposé d’un studio où la musique est conçue pour devenir une part d’une industrie, un produit destiné à la vente ».
Madeleine Peyroux, Dreamland (Atlantic/Warner Jazz).