Par Awal Mohamadou
Black Uhuru a survécu a toutes les tragédies. Le plus célèbre trio vocal des années 80, fait un retour inattendu avec un nouvel album, Iron Storm et, une tourné européenne qui est récemment passée par la France. Black Uhuru, ce n’est pas seulement Guess Who’s Coming To Dinner, Sinsemilla ou Anthem, c’est une institution du reggae jamaïcain au même titre que Tosh ou Spear.
La formation actuelle comprend Don Carlos, Garth Dennis et Duckie Simpson. C’est ce dernier qui a formé le groupe en 1971. « Don, Garth et moi venons du même quartier de Kingston. On traînait dans les mêmes endroits. Depuis très jeune, je voulais être chanteur et quand je me suis senti prêt, j’ai pense à eux. Notre premier single s’appelait « Folk Song ». Ensuite, on a sorti « Time ls On Your Side » mais je crois que ces morceaux sont introuvables aujourd’hui. » Peu de temps après, Don quitte le groupe et Garth rejoint les Wailing Soul. Duckie appelle alors Michael Rose – « un copain de quartier » – et Errol Nelson. Ils enregistrent leur premier album, Black Sounds Of Freedom (Uhuru In Dub en version dub), en 1977. Les classiques « African Love » et « King Sélassié » datent de cette époque. Deux ans plus tard, Puma Jones remplace Errol Nelson. « C’etait une americaine qui vivait en Jamaique et faisait les choeurs de Ras Michael. » précise Duckie. Avec Rose en lead vocal et les harmonies de Puma et Duckie, Black Uhuru devient une formidable machine à tubes, les majors commencent à roder ! L’album Black Uhuru (1979) – une compilation de top singles jamaïcains: « Guess Who’s Coming To Dinner », « Shine Eye Gal », « Leaving To Zion » etc. reçoit un bon accueil en Europe. Island signe le groupe et met le paquet sur la promotion. Objectif : imposer Uhuru a l’échelle planétaire dans la foulée de Bob Marley. On les voit partout, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon, ils incarnent le son reggae des années 80 et produisent le meilleur d’eux-mêmes : Sinsemilla (1980) et Red (1981).
Les raisons d’un tel succès ? Le style vocal de Michael Rose qui magnétise le public, la sensualité rasta de Puma Jones, Duckie Simpson au look encore plus saisissant et Sly & Robbie, désormais rallié au trio, qui conforte l’assise rythmique. Mais avec du recul Duckie porte un jugement sévère sur la période Island du groupe. « Ça été un désastre ! Durant ces 6 années on a travaillé pour rien. D’un côté, on bénéficiait d’une bonne promotion mais de l’autre, on ne contrôlait rien. On vivait à 100 a l’heure : tournées, avions, hôtels, tu ne penses plus et beaucoup de choses t’échappent. Petit à petit tu te fais bouffer et après c’est terminé. Quant aux royalties, c’était flou et nébuleux, »
« Les années Island ? Ça été un désastre ! Durant ces 6 années on a travaillé pour rien. (…) Quant aux royalties, c’était flou et nébuleux, »
Est-ce la raison pour laquelle Michael est parti ? « Il est parti parce qu’il voulait faire une carrière solo. Et puis, il y avait beaucoup de tensions. » Brutal marque l’arrivée de Junior Reid en remplacement de Michael. L’album est mauvais. Les suivants ne valent guère mieux. D’autant que Puma est partie à son tour. Elle décède quelques temps plus tard des suites d’un cancer.
II y a deux ans, les parrains ont scellé leur réconciliation par un nouvel album, Now, avant Iron Storm dont il est maintenant question. En clair, on repart sur de nouvelles bases avec la formule originale. Mais « Iron Storm » a-t-il I’épaisseur de Sinsemilla ? Le soin apporté aux arrangements ne peut faire oublier Leaving To Zion ou Darkness. Autre question : peut-on écouter cet album en faisant totalement abstraction des quatre premiers quand on est un fan du groupe ? A cela les inconditionnels répondent que Uhuru, qui signifie « Liberté » en Swahili, est une réalité (yes, man !) qui dépasse le strict plan musical et touche la spiritualité rasta dans son essence, Ià où musique et mystique ne font qu’un, confondus dans un épais brouillard de sinsemilla.